Contraindre pour liberer

 

Se laisser contraindre pour se libérer ; une équation bien mystérieuse au tout départ pour moi qui commence à prendre à la fois tout son sens et toute sa logique. J’avance dans la relation que je vis et je mets le doigt sur des sensations qui me plaisent dans ce que je subis, et je ne saurais me contenter d’un simple « j’aime ça ». Je préfère comprendre le comment du pourquoi, d’autant plus que cela n’a rien de normal pour moi, c’est même tout à fait paradoxal, au même titre que ressentir son plaisir dans la douleur.

Notion fondamentale

La contrainte est selon moi un pillié dans ma soumission et c’est une chose qu’il me semble partager avec toute la communauté dans le domaine, de nombreux couples BDSM basent leurs relations sur la contrainte. À des degrés différents, sous des angles divers. Cependant, cette contrainte positive peut se répercuter sur de nombreux thèmes et ne concerne pas seulement le plan sexuel. La contrainte peut être émotionnelle, alimentaire, physique, relationnelle, et tellement d’autres choses encore. Se soumettre, c’est aussi transférer son propre pouvoir, son libre-arbitre au dominant, qui lui n’est pas nécessairement dans l’obligation de contraindre son/sa soumis(e), mais dès lors que l’on se donne corps et âme à quelqu’un, il s’agit déjà là d’une contrainte, contraindre son corps et son âme de n’être plus seulement sous sa propre autorité, mais aussi sous celle de son dominant.

Le double tranchant de la contrainte

Contraindre en soi n’est pas un terme négatif, mais il définit simplement l’action de pousser quelqu’un à agir contre sa volonté ; par la pression morale ou physique. Ou encore, c’est l’obligation créée par les règles en usage dans un milieu, par les lois propres à un domaine, par une nécessité, et je rajouterais même, par plaisir. Contraindre ne veut pas dire brutaliser ou bousculer, enfin, au sens péjoratif du terme, j’entends. Selon moi, contraindre, c’est même prendre soin, c’est traiter de façon adaptée et appropriée son soumis. Il s’agit dans l’action de contraindre d’exploiter une ressource humaine à la hauteur de ses capacités, de ses désirs d’abnégation. Par contre, malheureusement, beaucoup trop d’hommes douteux se cachent derrière ce prétexte pour justement être irrespectueux et déplacés, et réellement maltraiter et « abîmer » leurs partenaires qui déjà fébriles de leur position inférieure sont justement des proies faciles.

La contrainte psychique

Vraisemblablement, c’est la contrainte qui s’installe à la fois la plus facilement, la plus fréquemment, la plus inconsciente mais à la fois la plus sournoise, délicate et même potentiellement dévastatrice.

C’est je crois une contrainte à la fois très facile à mettre en place, qui passe du simple « Répond Salope ! » (que je peux lire par dizaine dans les messageries instantanées de mes réseaux sociaux, qui précèdent généralement un nombre incroyable d’insultes gratuites et de questions toutes des plus indélicates qu’irrespectueuses les unes des autres) au « je veux tout de toi: ton corps, ta tête et ton cœur ! Donne moi tout ! »

Je crois que je ne vais pas faire de grands récits sur cette partie car j’aurais beaucoup de facilités à m’y perdre. L’important à dire je crois, c’est que pour cela, il est simplement important de faire preuve d’une sincérité sans faille et d’une transparence rigoureuse. Le mensonge n’a pas sa place dans une relation comme la mienne. Et seulement lorsque ces paramètres sont respectés, la contrainte psychologique opère vraiment : il est tellement facile en ce monde de cacher son vrai visage à des personnes à la fois si proches de qui l’on peut croire absolument tout savoir…

Moi même dans ma vie de femme, avec mes amis, dans mon travail, ma famille, mon entourage, je garde une large zone d’ombre sur mon histoire personnelle, son mon statut sentimental, etc. Et donc moi aussi je cache à toutes ses personnes qui me sont pourtant si proches qui je suis vraiment. Finalement personne ne sait qui je suis, et alors moi aussi je peux me demander qui sont les gens en face de moi, partout, dans le BDSM ou pas. Et à ce jour la seule personne qui sait tout, le moindre de mes penchants, même les plus inavouables, les plus dégueulasses, mes plus grandes peines, mes failles, la moindre de mes pensées, c’est lui, c’est mon Maître. Mentir ou cacher quoi que se soit remettrait toute notre relation en cause. La confiance, la sincérité et la clarté sont les piliers de notre relation, et si je vous explique tout cela, c’est que la contrainte psychologique ne naît vraiment que si ces piliers sont présents et bien solides, et c’est là ou le bas blesse dans beaucoup de ce que je peux voir autour de moi, autant dans le monde vanille que dans le BDSM. Je ne conçois pas une seule seconde qu’on puisse dire un jour ne serait-ce que « oui Maître » sans même le penser.

Se laisser contraindre ou la passation du pouvoir.

En tant que soumise, j’aime la contrainte avant tout pour ce que cela signifie. C’est-à-dire que cela responsabilise mon Maître pour les « domaines » sur lesquels il prend le dessus, sur lesquels il me contraint. En cela, il prend les pleins pouvoirs, et l’un dans l’autre, son premier pouvoir étant fondamentalement celui de me contraindre.

“Je te contrains, je te possède”

Je commence à croire que tout commence par là “J’ai le pouvoir de te contraindre donc je suis ton dominant” Entre la confiance et le don de soi d’une part et le pouvoir de la contrainte de l’autre. Car l’expression de la confiance se manifeste par le don de soi et celle du pouvoir se manifeste lui par la contrainte. Contraindre sa soumise à perdre son libre-arbitre sexuel entre autres. Et c’est me semble t’il le désire commun de tou(te)s les soumis(e)s : se soumettre par la contrainte à son dominant, perdre tout pouvoir.

La frustration

Contraindre ne veut pas dire frustrer. Cependant, dans le BDSM, c’est la frustration que le dominant cherche à induire la plupart du temps, car le plaisir se trouve là, dans la frustration. Le plaisir du dominant étant de la provoquer et pour le dominé celui de la recevoir. La frustration dans la privation ; privation de liberté, d’orgasmes, de mouvements, etc.

Bienveillance

En échos à la frustration, et aux travers que peuvent engendrer les mauvaises situations de contrainte, à l’inverse, lorsqu’elle est bien exécutée, intelligemment et avec les bons motifs, la contrainte peut aussi devenir une attitude bienveillante de la part du dominant. J’en suis l’exemple même, car mon immaturité, mon étourderie, ma crédulité ou encore mon caractère influençable ont souvent raison de moi, mon attitude de soumise au quotidien sans parler SM peut aussi devenir la porte ouverte à des dominants écrasants du petit quotidien. Et pour cela, je peux compter sur la bienveillance de mon Maître, qui parfois me contraint à agir pour améliorer les situations qui m’empoisonnent la vie, afin de m’aider à préserver ou restaurer mon confort personnel, mon bien-être, mon équilibre psychologique.

 

La nature de la contrainte

Ce qu’il y a de merveilleux dans tout cela, c’est que les plaisirs sont infinis ! Tout peut devenir motif de contrainte. Nombre de Dominants apprécient choisir les vêtements de leurs dominés, leurs repas, contrôler leur sexualité, leurs orgasmes, leur sommeil, leurs interactions sociales, etc. Et tout naturellement, la contrainte s’installe sans vraiment que l’on s’en rende compte. Simplement, comme je pourrais prendre mon propre exemple personnel, Monsieur devient le premier acteur de ma vie, car comme je lui offre une transparence totale sur celle-ci, c’est au gré de ses plaisirs, ou alors par protection et par bienveillance qu’il me contraint. Il est l’omniscient dans ma vie autant qu’il en est le responsable et le gérant. Alors tôt ou tard, cela implique des contraintes, car je reste actrice de ma vie, il intervient comme le seul ayant le pouvoir du veto sur absolument tout.

Contrainte de privation d’orgasme

Petit aparté sur cette contrainte que je n’évoquerais que très brièvement car j”ai déjà traité le sujet dans un précédent article (accessible en cliquant ici : jeûne, des orgasmes pour mon Maître) Simplement il illustre bien ce qu’est la contrainte psychologique, et je crois que la restriction d’orgasme concerne aussi bon nombre de mes semblables.

Je ne porte pas de ceinture de chasteté, mais pourtant cela ne m’empêche pas de passer de longues semaines sans pouvoir me toucher. Pire encore puisque l’exercice me serait beaucoup plus facile avec un dispositif, car j’use de beaucoup plus de force psychologique à ce jour à respecter cette contrainte que m’impose mon Maître. Comme je le dit dans l’article dédié à cela, la contrainte et le jeûne fait partie du plaisir. La peine que j’ai pour y arriver aussi.

Et là où se manifeste toute la force de mon geste réside en ma sincérité et mon honnêteté envers mon Maître. Je n’arriverais d’une part pas à lui mentir et me toucher dans son dos, je préfère faire preuve de toujours plus de force d’esprit pour lui prouver la dévotion. Mais aussi ma force d’esprit n’est pas à toute épreuve bien sûr, et surtout pas pour cela d’ailleurs, mais je sais que lorsque je suis sur le fil je peux en parler sans angoisse à mon Maître, et qui sait, le jour où je dérape, je n’aurais aucune peine (honte sûrement) à le lui confesser.

La contrainte physique

Plus ma relation avance et plus je me rends compte qu’a chaque situation où mon Maître me prive physiquement, cela libère quelque chose en moi.

Lorsque je suis bloquée, ne pas pouvoir me soustraire à ses sévices me rend d’une part beaucoup plus offerte, mais surtout, cela me permet intérieurement de mettre tous les moyens en œuvre pour bien recevoir la douleur. Il est plus facile pour moi de ressentir les choses dès lors où mon esprit n’est pas déjà occupé à mettre en place des moyens de défense inconscients pour se soustraire à la douleur, car immobilisé la question ne se pose plus, je n’ai pas le choix, je ne peux pas bouger de là où je suis, de la position que je tiens. Et ainsi, c’est selon la marge de liberté que me laisse mon Maître, qu’il instaure le niveau de contrainte autant que mon niveau de « libération », aussi contradictoire que cela puisse être.

Il y a une certaine forme de facilité finalement là-dedans, c’est à dire que je ne fais pas l’effort de me soumettre à la douleur, mais c’est mon Maître qui me contraint à l’accepter quoi qu’il en soit. La douleur devient donc beaucoup plus facile à recevoir, et se laisse également savourer plus attentivement.

Aussi, être contrainte physiquement dans ces instants libère l’âme du corps, autrement dit, le corps immobilisé ne devient qu’un vecteur de la douleur puisque mon Maître en m’attachant justement n’attend plus de lui aucun mouvement de repli. Aussi, tout dépend de ce qu’il décide d’immobiliser et dans quel but de contrainte, quelle est la marge de manœuvre qu’il laisse à mon corps pour s’exprimer, d’ailleurs, c’est assez dégressif, plus je suis contrainte, plus mon corps m’échappe, plus cela me fait peur, mais plus cela m’excite et surtout plus cela me libère. L’aboutissement en somme, l’abnégation totale reviendrait à perdre réellement tout mouvement d’expression, ce que certains font dans ce que j’ai pu voir de plus extrême sur la toile, lorsqu’ils sont mis sous vide entre deux couches de latex.

Être absolument offerte, totalement contrainte physiquement devient l’ultime don de soi, l’aboutissement pour moi. Je le sais, le jour ou mon Maître m’immobilisera totalement, me privera de parole, ce jour deviendra celui ou j’aurais remis en lui une confiance absolue, aveugle. Et c’est en ce sens que nous travaillons à mon éducation.

L’art des cordes

L’exemple premier ; les jeux de cordes. Que beaucoup d’adeptes adorent. Et aujourd’hui je commence à vraiment comprendre pourquoi la communauté BDSM aime tant cela. Malgré l’objectif totalement récréatif et esthétique de la pratique, il s’agit avant tout de contraindre le corps. La contrainte par l’immobilisation.

Torsions physique, contraintes extrêmes, immobilisme sont les maîtres-mots de la pratique, et je visualise aujourd’hui le bien être et la libération intérieur que peut ressentir le soumis qui s’offre à son Maître ainsi. Se laisser emprisonner et immobiliser telle l’araignée avec sa toile dans le tissage régulier et minutieux des cordes de son dominant.

Mon corps, vecteur des émotions de ma psyché

Lorsque je suis attachée, mon corps devient alors simplement l’expression de ma douleur, et sous la contrainte physique, il n’y a plus de question de mouvement (conscient ou inconscient) de tentative de dérobement. Dans ces moments, mon Maître aime mes suppliques, autant celles de mon corps que lorsque je verbalise. Il aime voir toute l’énergie que je peux mettre parfois pour répondre tant bien que mal à tout les stimulus qu’il m’inflige, et cela rend l’instant d’autant plus vicieusement délectable pour lui et cruellement torturant pour moi. C’est à la fois très pervers et très jouissif je l’imagine, que de torturer de la sorte sa soumise. Cela donne un sentiment de toute-puissance sur elle qui ne doit gâcher en rien le plaisir de la situation bien au contraire.

En cela, Monsieur aime me voir si offerte et à la fois si vulnérable, c’est probablement, je suppose, beau et touchant de visualiser sa soumise se donner avec autant de confiance. C’est l’une des plus belles manifestations de ma dévotion que de ne pas craindre ses contraintes, et de les recevoir toujours avec beaucoup de sérénité et de confiance.

La contrainte physique devient alors un véritable moment de communion entre mon Maître et moi, ou chacun y puise un plaisir à la fois si différent et si fort. Je m’offre ainsi toujours plus à lui, j’abandonne alors une part conséquente de mon autonomie, mais en contrepartie me libère l’esprit et l’ouvre à beaucoup plus d’attention et de réceptivité. Alors oui, la contrainte physique me libère, incroyablement !

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