Interdépendance

Très régulièrement, je lis et j’entends cette petite affirmation délicate qui revient à dire que dans le fond, c’est toujours la soumise qui possède le vrai pouvoir dans la relation BDSM. Certains vous diront que oui, d’autres que non… Et moi, je me pose des questions. Aujourd’hui, c’est à vous que je décide de les poser. J’aimerais réussir dans ce petit article à réveiller une certaine réflexion éthique à ce sujet, parce que je crois que tout n’est pas si évident que ça.

Vivre une relation D/s veut bien dire ce que ça veut dire : faire partie d’un couple qui comprend un dominant et un soumis. C’est aussi simple que cela. L’équilibre est au déséquilibre des droits et des pouvoirs. Cela dit, ce rapport complique un peu tout comparé à une relation dite « vanille », d’égal à égal, ou chacun a le droit de quitter l’autre, ou chacun a parfaitement le droit de crier plus fort que l’autre. Car où commence la soumission ? Où s’arrête la domination ? Il en est de même pour les droits et les pouvoirs : à qui appartiennent-ils vraiment ? Quels sont les droits concernés ?

Qui a le droit de mettre fin à la relation ? Qui a le pouvoir réellement de l’influencer et de la faire évoluer ? Autant de questions qui appellent à des réponses plus que personnelles et donc parfaitement subjectives.

Par ailleurs, ces questions sont des questions que l’on ne se pose jamais vraiment, mais qui tombent pourtant sous le sens pour chacun des couples BDSM sans que les choses ne soit jamais dites. Chacun, je crois, sait dans sa relation, qu’il soit dominant ou soumis, ce dont il est capable de faire, son champ de compétence et son degré de pouvoir sur l’autre.

À mes yeux, les relations D/s sont des relations avant tout, avec cette particularité qui repose dans le déséquilibre plus ou moins fort au sujet de ce que l’on pourrait nommer le « rapport de force ».

La personne soumise a-t-elle un réel pouvoir directif dans la relation qu’elle entretient avec son dominant ? Cette question s’avère être évidente pour certains, tandis que pour d’autres absolument pas.

Pour ce qui est de mon expérience personnelle, j’ai toujours su que si je voulais partir pour X ou Y raison mon Maître ne s’y serait jamais opposé, j’avais donc ce pouvoir de rester ou de quitter ma relation en tout temps. Cependant, je n’avais aucun autre pouvoir, sauf celui de contribuer à son plaisir et son épanouissement. En dehors de cela, je n’ai jamais eu le pouvoir d’imposer ma loi, consciemment ou inconsciemment. Mon Maître était à l’écoute, mais jamais il n’a été soumis à mon libre-arbitre. C’était ainsi, et c’était ce que je désirais, autant que lui.

Concrètement, quelques exemples très simples : il fréquentait d’autres femmes : c’était à prendre ou à laisser. J’avais envie de rencontrer d’autres personnes, c’était à lui d’en décider. Bien entendu, il m’a toujours consulté et surtout entendu, mais s’il décidait quelque chose et que je n’étais pas d’accord, je n’avais aucunement le pouvoir de faire changer les choses et pour moi, c’était ça se soumettre : accepter de perdre mes droits et mes pouvoirs les plus fondamentaux en matière de sexe et de relations intimes. Mon droit de vote par exemple, qui représente quelque chose de très fort « submissivement » parlant, est un sujet qui pourtant qui a fait beaucoup polémique à l’époque sur le blog.

Ces choses-là sont en réalité très subtiles, elles font partie des non-dits de la relation qui sont d’une importance capitale. Elles conditionnent en mon sens les fondements de la relation D/s. « Je suis un dominant à hauteur du pouvoir que je prends sur toi » « Je suis soumise à la hauteur de la perte de pouvoir que vous imposez à celle que je suis » et à mes yeux, au plus l’échange de pouvoir est marqué, au plus la soumission est forte.

Cela dit, par ailleurs, il est vrai qu’un dominant ne l’est pas vraiment sans soumis et qu’un soumis ne l’est pas vraiment sans dominant. Il ne faut pas selon moi faire l’amalgame entre dépendance et pouvoir. On peut dépendre de son partenaire, tout en ayant le pouvoir de s’en séparer à n’importe quel moment. Tout est question cette fois de puissance de caractère (et peut-être un peu d’autoflagellation).

Chacun voit sa relation comme il l’entend, il n’y a pas de vérité absolue, tout autant qu’il n’y a pas de protocole absolu. Chacun d’entre nous vit son BDSM de façon tellement différente qu’il serait impensable de vouloir imposer une quelquonque vérité.

Perdre le pouvoir, le vrai pouvoir dans la relation est pour moi quelque chose de fondamental, et je ne concevrai pas de me faire « dominer » par quelqu’un qui dans le fond me donne le vrai pouvoir. D’ailleurs, je n’arriverais pas à me soumettre à ces personnes, car ce n’est pas ce que je recherche dans mon BDSM. Je ne souhaite pas être soumise d’apparence et tirer les ficelles en arrière-cour, c’est inconcevable, et cela fait partie de mon lâcher-prise.

Aussi, il y a des facteurs majeurs qui rentrent en compte dont je parle, mais que je n’ai jamais vécus (je parle en supposant donc) : les sentiments amoureux, vis-à-vis de la distance affective qui pourrait empiéter le rapport de force et par-dessus tout : la vie de couple. Car vivre une relation D/s lors de quelques séances est quelque chose de « facile », mais vivre son BDSM au sein de son propre foyer, avec son conjoint est quelque chose qui (de mon regard) et beaucoup plus délicat et beaucoup plus ambigu. L’échange du pouvoir, c’est beau lorsqu’il s’agit de baiser ensemble, mais quand il s’agit de la corvée des courses ou du ménage, j’imagine que cela ne doit pas être la même dans ses conditions. À moins que je me fasse des idées et qu’il existe quelque part des soumises qui sont à la limite de l’esclavagisme et qui subissent la domination absolue en permanence dans un épanouissement total. Remarquez, c’est lorsque je vous écris ces mots que je pense aux femmes battues et maltraitée physiquement et psychologiquement : il est toujours là finalement question de couple D/s, mais à l’objectif nettement plus dévastateur et malsain cette fois. Ce n’est pas le sujet de mon propos bien évidemment.

Après, il y aussi ceux que personnellement, j’admire, autrement dit, ceux qui arrivent parfaitement à faire la part des choses. Ceux qui réussissent leurs vies de couple vanille et qui la nuit sont parfaitement D/s avec un transfert de pouvoir total et aveugle. Je suis admirative de ces couples qui arrivent à dominer avec bienveillance et écoute d’un côté et à se soumettre avec tact et en sachant s’imposer que lorsqu’il le faut. J’aurais beaucoup aimé vivre ce type de relations, arriver à autant faire la part des choses. (cela soulève un autre problème cependant, car en plus de rechercher un Maître, il faut y voir aussi un conjoint, l’un et l’autre étant déjà très compliqué séparé, les deux réunis, c’est de l’utopie)

Pour faire bref, il est donc, je crois, impossible de pouvoir affirmer qu’en réalité, c’est toujours la personne soumise qui a le pouvoir. Ces choses-là sont propres à chacun. Alors, je pense que la relativité d’un couple à l’autre fait changer totalement la donne. Je reste intimement convaincue que la personne soumise à le pouvoir que son dominant concède bien à le lui laisser, mais aussi à celui qu’elle accepte de prendre. C’est aussi simple que cela.

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