Le désir de l’interdit
Le désir de l’interdit… Ces quelques mots résonnent en moi, me donnent le frisson…
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Le désir… de l’interdit… Repousser ses propres limites. Il y a dans tout ça quelque chose de singulièrement excitant. Sexuellement, aller toujours un peu plus loin. Il n’est pas question de compétitivité ou de lassitude, mais plutôt d’assouvir des désirs que nous jugions jadis infranchissables, inimaginables, et qui, comme par magie, prennent un jour vie… C’est dans ces instants que je vibre. Lorsque ma curiosité me pousse à davantage. Non pas pire, mais différent. D’autres excitations, d’autres personnes, d’autres gestes, d’autres attitudes, d’autres circonstances.
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Mon désir sexuel n’a pour ainsi dire aucune satiété. Pour autant, je ne consomme pas de façon frénétique et sans rechercher une certaine forme de qualité. Je ne cherche pas plus haut, pas plus douloureux ou plus dangereux, mais plus épanouissant seulement.
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Mes interdits personnels
Entendons-nous bien, lorsque je parle d’interdit, je parle de mes interdits. Ils ne concernent que moi, et diffèrent sans doute des vôtres. Ils diffèrent de ceux qui vivent une sexualité plus conventionnelle où à l’inverse plus extrême. Chacun a ses propres limites et elles sont si différentes d’une personne à l’autre. Cela renvoie à son rapport à la douleur, son rapport à l’humiliation, l’exhibition, son rapport au plaisir tout simplement.
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Avec le temps, ces interdits évoluent, je l’ai bien remarqué. Ce qui me paraissait être une folie il y a quelques années à peine fait partie de ma norme aujourd’hui.
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Est-ce grave ? Est-ce que cela réduit tout dans son intensité à le vivre ? Non, je ne crois pas…
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Lorsque j’ai commencé à m’ouvrir sexuellement, mes limites n’ont eu de cesse que d’être repoussées, même s’il n’a jamais été aussi évident de le faire. Comme des portes difficiles à pousser mais une fois ouvertes, qu’on a plaisir à franchir.
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Croquer la pomme
Je suis certaine qu’en chacun d’entre vous sommeille le doux souvenir d’avoir un jour basculé ses habitudes en décidant de dépasser un interdit. Réaliser un fantasme, faire quelque chose de « fou » qu’il s’agisse de sexe ou non.
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Décider de s’offrir à un homme, se faire attacher jusqu’à ne plus pouvoir bouger, lâcher prise, se faire frapper à sang, pratiquer l’uro, n’être qu’un objet sexuel sont autant de choses qu’il m’était inenvisageable il y a peu de temps. Non pas qu’elles me paraissaient impossibles, mais surtout parce que pour moi c’était interdit. C’était impossible, je ne pouvais pas faire des choses pareilles.
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La bienséance, les normes
Etant ado, je subissais si fort mes envies que je me forçais à les réfréner tout autant. Je pensais que j’étais bonne à mettre à l’asile. Tous ces plaisirs interdits, toutes ces choses impossibles, qu’est-ce que j’allais bien pouvoir en faire, sauf les mettre dans un coin de ma tête et les enfermer à jamais…
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Je crois sincèrement que c’est la société qui m’a imposé ces limites, ces interdits à ne surtout pas dépasser. Combien de mes proches aujourd’hui seraient au bord de la syncope s’ils savaient tout ce que je vis dans mes nuits de débauches les plus intenses. Celles que j’aime par-dessus tout, celles qui me rendent heureuse, lorsque je suis comme un poisson dans l’eau.
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Surmonter ses peurs
A cause de tout cela, rien n’a jamais été simple pour moi sexuellement. J’ai dû abandonner toutes ces résistances, dépasser ces interdits que je m’étais donnés. Parce que mes valeurs allaient à l’encontre de tout cela. Se faire pisser dessus ça ne se fait pas, hors de question, lécher des chaussures non plus, coucher avec une femme encore moins.
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Tous ces interdits étaient bien ancrés en moi car ils étaient fondés sur la peur. Peur du regard des autres, peur de faire mal, peur de passer du côté trop obscur de ma vie. D’ailleurs ce drôle de sentiment me poursuit toujours autant… « Clarisse est une mauvaise personne, elle a fait des choses qu’il est interdit de faire, elle est allée trop loin… »
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Mais voilà… : Trop loin pour qui ? Sous quelles lois ? Et où est le mal ?
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Je ne sais pas si c’est moi plus que quelqu’un d’autre, mais je suis en perpétuel procès envers moi- même, toujours le regard critique, pour chercher à me rassurer, pour réussir à estimer que malgré tout ce que j’ai fait, je reste une belle personne. A essayer de combler mes pulsions tout en ne dépassant jamais la limite qui me conduirait aux yeux de je ne sais quel dieu tout droit en enfer.
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Parfois, je me demande si je ne mérite pas tout simplement l’enfer depuis toujours et que je devrais me décider de m’y jeter à corps perdu une bonne fois pour toute.
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Est-ce que mes travers entachent le bien-être de quiconque en dehors de moi ? Non ! Alors bon… Oui, d’accord, mais quand est-ce que je compte m’arrêter ? Pourquoi n’arriverai-je pas à trouver mon bonheur dans des choses que je vis déjà, pourquoi vouloir d’autres choses, des choses que je m’interdis ?
Aussi, la peur m’excite énormément. J’ai beaucoup de mal de l’admettre mais c’est pourtant bien vrai. Est-ce peut-être le jour où je n’aurai plus d’interdits que je serai enfin en paix avec moi-même ?
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Du désir naît le plaisir …
Car dans le fond cette situation est loin de me desservir. L’interdit cultive l’excitation. Faire quelque chose d’interdit m’excite terriblement. Faire des choses hors normes, des choses qui sont mauvaises et sombres à mes yeux. Toute jeune, dans le sexe, j’adorais me mettre un millier d’interdits et dire non sans arrêt. Mon petit copain de l’époque le savait, plus l’interdit était grand pour moi, plus l’excitation était forte. Mon premier grand rêve érotique par exemple était un rêve dans lequel je me faisais prendre par un homme que je ne connaissais pas et à qui je n’arrêtais pas de dire non et me débattre… Je désirais donc vivre ça en vrai, faire des choses que je m’interdisais… Ce fut d’abord une femme, puis un homme qui me maltraite, puis un vieil homme, ensuite un Maître, etc etc.
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Savoir s’arrêter ?
Telle est la question. A la fois éthique et philosophique qui m’anime depuis déjà un moment.
Oui car après ? Où sont les véritables limites ?
Souffrir, souffrir, souffrir, jusqu’à y laisser sa peau ? Le film « une histoire d’amour » adapté d’une histoire vraie démontre bien tout le propos de mon article. C’est un film qui m’aura clairement bouleversée… Se soumettre oui, le lâcher prise que j’aime tant, mais jusqu’où ? Jusqu’à me faire exploiter et utiliser par un homme qui abusera réellement de moi ? Jusqu’au viol ? la prostitution ? l’esclavagisme ? Jusqu’à me faire mourir de l’intérieur…?
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En finalité, voilà mes deux seules limites aux deux extrêmes: la mort… et l’ennui… Entre ces deux, il y a autrui que je respecterai toujours aussi fort que je le protègerai. Ma sexualité n’envahira jamais quiconque contre son gré. En dehors, je crois que rien jamais ne m’arrêtera…